Les avortons de dieu
Donnez-nous notre cible quotidienne : gimmy targets !
L’image ci-dessus montre le premier tir du prototype d’un EMRG (‘Electromagnetic Rail Gun’) de l’US Navy développé par l’ONR (‘Office of Naval Research’) en janvier 2008, testé au tiers de sa puissance. La boule de feu est la résultat de la combustion du sabot du projectile. Le projectile de 3,5 kg est lancé à une vitesse de 2520 m/s avec une puissance de 10,64 MJ (mégajoules) à la sortie de la bouche.
« Les flammes qui apparaissent dans la vidéo du tir d’essai proviennent d’une combinaison d’un arc électrique entre le lanceur, les copeaux d’aluminium réagissant avec l’air et le vol hypersonique de la balle » (Tom Boucher, directeur des essais pour le canon électromagnétique de la Naval Surface Warfare Center Dahlgren Division en Virginie).
Dès les années 1970, la DARPA américaine (‘Defense Advanced Research Projects Agency’) s’est vu confier le projet IDS (‘Initiative de Défense Stratégique) du président Reagan, destiné à neutraliser les capacités de frappe nucléaire de l’URSS. Rapidement surnommé programme Guerre des étoiles, la Darpa a financé toute sortes d’expériences dont les technologies électroniques et électromagnétiques tels le canon électrique.
Il existe deux technologies de canons électriques.
La première est le canon électromagnétique (railgun ou EMRG) qui n’est rien d’autre que le ‘rail de Foucault’ du début du 19ème siècle, dans lequel deux fils conducteurs à courant continu font glisser un barreau métallique posé entre les deux fils, perpendiculairement à ceux-ci.
La deuxième est le coil-gun où le barreau glisse en accélérant à l’intérieur d’une série de bobines déclenchées en cascade.
On les reconnaît facilement car les coil-guns sont de même diamètre et de même longueur qu’un canon à poudre de même calibre, tandis que les rail-guns sont plus beaucoup plus gros et longs.
A partir de 2005, les recherches accélérées de l’Office of Naval Research sur le canon électromagnétique, qualifié de « Star Wars weapon » par le Contre-amiral Matthew Klunder (commandant de l’ONR de 2011 à 2014) ont connu un renouveau.
Entre 2005 et 2012, l’objectif de l’US Navy était d’en déterminer l’utilité (bombardement naval des côtes en appui des forces amphibies, autoprotection des navires, adaptation aux bâtiments de la Marine) mais aussi de diversifier ses missions (attaque au sol précise et lointaine, destruction de missiles balistiques ennemis ou de bateaux croiseurs).
En décembre 2010, un rail-gun d’une puissance de 32MJ (millions de joules) de 10 mètres et 54 tonnes de BAE Systems a projeté un objet de 20 kg à 160 km avec une vitesse approximativement de Mach 5 (6174 km/h). Le premier prototype a été livré en janvier 2012 à la Navy qui a pu effectuer ses premiers tests fin février 2012.
A partir de 2012, il apparaît que les rail-gun constituent un système d’armes hypersoniques bien plus efficaces en terme de portée et à meilleurs coûts que les missiles envisagés pour les diverses missions.
Bien que les laboratoires de l’US Navy ont conçu l’EMRG dans le cadre du combat naval en surface, l’usage principal des EMRG US concerne essentiellement la défense antimissile aérienne, anti-ballistique et spatiale ainsi que l’attaque anti-char sur terre.
Le principe de l’EMRG consiste à faire circuler un courant électrique très intense couplé à un champ magnétique entre deux rails parallèles conducteurs d’électricité. Grâce à la force de Laplace, résultante de celle de Lorenz, un projectile subit une forte accélération avant d’être éjecté à une vitesse au moins cinq fois la vitesse du son.
Allongez la longueur du canon et augmentez l’ampérage pour obtenir un canon capable de mettre un satellite en orbite.
https://www.academia.edu/1901639/Launch_to_Space_With_an_Electromagnetic_Railgun
Les avantages :
Tubes de lancement : du fait de la quantité monumentale d’énergie dégagée et de la résistance des matériaux et de la gestion thermique, les canons permettent d’atteindre jusqu’à 1000 coups avant d’être HS.
Cadence de tirs : 10 coups à 20 coups par minute. Tandis que les mécanismes d’une arme conventionnelle doivent assurer les manœuvres de culasse, le déchargement et le rechargement de chaque cartouche, le rail-gun entre chaque coup n’a qu’à assurer l’approvisionnement d’un nouveau projectile, et à fournir la puissance nécessaire au rechargement du générateur.
Projectiles HPV : cônes en tungstène. En nombre plus élevés, plus petits, plus légers (10,5 kg avec son sabot), plus furtifs, hypersoniques.
Vitesse du projectile : hypersoniques, plus élevé qu’un canon classique.
L’augmentation de la portée et précision extraordinaire : les projectiles peuvent atteindre les 9 000 km/h (2 500 m/s) et impacter des cibles situés à 370 km (200 miles nautiques) en 6 minutes avec une précision terminale sur cible de 5 m avec une cadence de tir de 10 coups/min (communiqué de la NASA).
L’accroissement notable de la vitesse initiale : plus de 2 500 m/s (9 000 km/h) jusqu’à 3 500 m/s (12 600 km/h, approximativement Mach 10 au niveau de la mer). A titre de comparaison, le fusil Famas donne à ses balles une vitesse approximative de 950 m/s (3420 km/h).
Furtivité : en plus de sa vitesse (Mach 5,9 à Mach 7,4 au niveau de la mer), la très faible signature thermique dégagée par le projectile le rend difficilement détectable et donc difficilement interceptable.
Préavis d’alerte réduits : ce qui permet de transporter plus de munitions tout en éliminant le danger du transport d’explosifs dans un char ou une tourelle de navire.
Energie cinétique : plus élevé à l’impact.
L’énergie cinétique engendrée par les projectiles est de loin supérieure à celle d’un obus explosif de masse égale.
Proportionnel à la masse et au carré de la vitesse du projectile, à 9000 km/h le potentiel dévastateur équivaut à celui d’un obus de 155 mm !
Dès lors, il est possible de ne plus compter que sur cette énergie pour détruire une cible, évitant ainsi d’avoir à disposer d’obus explosifs, contribuant de la sorte à la sécurité du bâtiment lanceur.
A titre de comparaison, le porte-avions Charles de Gaulle, pourvu de deux chaufferies nucléaires K-15, appelées Adytom et Xena, qui couplées à des turbines à vapeur et deux lignes d’arbres, lui permettent de faire naviguer ses 42 500 tonnes à la vitesse maximale de 27 nœuds et parcourir 1 000 km par jour. Chacun de ses réacteurs nucléaires développe une puissance de 150 MW, alors qu’un rail-gun 10 MJ tirant à 1 coup/s a besoin d’une puissance électrique de 10 MW, l’US Navy travaille sur des puissances de tir supérieures à 30 MJ.
Banque de supercondensateurs : la décharge ultra-rapide du supercondensateur permet d’obtenir une forte concentration d’énergie lui permettant d’atteindre ses objectifs de performance.
Peu coûteux : pour une force de frappe similaire, alors qu’un missile BGM-109 Tomahawk (missile subsonique à longue portée développé par la Navy) coûte 1,4 millions $, le HVP ne coûte que 25 000 $ (entre 21 000 € et 43 000 €) et un tir de l’ordre de 50 000 $.
Les inconvénients :
Générateur embarqué sur navires : 1 MJ (mégajoule) correspond à une voiture d’une tonne lancée à 160 km/h. Un rail-gun 32 MJ permettant une cadence de tirs de 12 coups / min à une distance comprise entre 90 et 180 km requiert une puissance électrique de 30 MW (millions de watt). Ce qui impose une capacité génératrice d’énergie assez importante. Pour le stockage d’énergie, on utilise alors des générateurs impulsionnels à volant d’inertie ou des SMEH (‘Stockage d’énergie magnétique supraconducteurs’) qui stockent l’énergie sous la forme d’un champ magnétique généré par la circulation d’un courant continu dans un anneau supraconducteur refroidi en-dessous sa température critique.
Rechargement du canon : le chargement d’un canon électrique est beaucoup plus lent et compliqué que celui d’un canon à poudre.
L’ouverture et la fermeture de la culasse combinées aux pressions de gaz à l’arrière de l’obus sont plus difficiles qu’avec un canon à poudre. Plus l’énergie cinétique est élevée plus le recul du canon est élevé aussi. Le fait d’utiliser des forces de Laplace pour la propulsion de l’obus ne change rien aux lois d’action-réaction et de recul.
Seuls les coil-gun n’ont pas d’usure de canon et n’ont pas besoin de culasse.
Supercondensateurs et supraconducteurs : une intensité de 1MA (million d’ampères) génère une force explosive projetant les projectiles sur les rails à 2 000 m/s, or un rail-gun 64MJ utilise 6 MA. D’où la nécessité d’un grand nombre de condensateurs supraconducteurs afin d’assurer le refroidissement en continu de l’ensemble. D’autre part, l’inductance du circuit limite le temps de montée de l’intensité du courant, limitant le rendement moyen sur le temps total d’accélération.
Interférences : les effets électromagnétiques permettant l’expulsion du projectile peuvent être ‘éclatants’ et induire des effets d’arc électrique à proximité des appareils électroniques embarqués sur le navire, provoquant un court-circuit et annulant l’effet sur le projectile.
Coût de l’ensemble : bien que les munitions aient un coût minime, inférieur à celui d’un missile, l’ensemble peut se révéler plus coûteux à l’achat, en raison des supercondensateurs nécessaires, de la corrosion des circuits et des rails magnétiques.
Guidage délicat : il est impératif que l’électronique continue de fonctionner. Face à des cibles en mouvement et en raison des contraintes aérodynamiques durant le vol, les composants électroniques encaissent entre 20 000 g et 60 000 g d’accélération et des impulsions magnétiques considérables, ainsi qu’une hausse thermique liée au dégagement d’énergie générée et au frottement de l’air à grande vitesse. Cependant, l’électronique embarquée sur l’obus n’est plus un problème : actuellement les obus intelligents ont une électronique résistante à plus de 180 000 g et les projectiles peuvent supporter une température de 800 degrés Celsius à leur surface.
L’usage des EMRG permet aux Marines qui sont dotées de cette artillerie électromagnétique révolutionnaire de mener à bien des opérations bien plus ardues (défense anti-missile aérienne, anti-ballistique et spatiale).
Les caractéristiques physiques des projectiles HVP font d’eux des EKV (système d’interception de missile balistique) théoriquement capables de neutraliser des missiles balistiques.
Le Blitzer de General Atomics est le seul rail-gun opérationnel et produit en série à ce jour. Son canon peut intercepter un obus en plein vol.
Son intérêt paraît d’emblée évident au sein d’une structure anti-missile.
L’ONR espère, pour 2020, pouvoir tirer des projectiles de 18kg (40 livres) à des vitesses comprises entre 4 500 miles à l’heure (7 240 km/h) et 5 600 miles à l’heure (9 012 km/h) ayant une portée comprise entre 50 miles nautiques (92 km) et 220 miles nautiques (407 km). Ils ne peuvent aller au-delà de Mach 9 (limite pratique des rail-guns).
Les coil-gun sont les seuls en mesure de dépasser Mach 9 et ont déjà montré des performances à Mach 18 à Dahlgren en Virginie. Leur limite théorique d’accélération au niveau de la mer s’élève à Mach 36 et à Mach 150 dans le vide.
Puisque l’obus est ré-accélèré à chaque bobine, il peut atteindre des vitesses beaucoup plus élevées avec la même énergie initiale. Leur portée, à puissance égale, est ainsi 3,5 fois plus grande que celle d’un rail-gun. Et leur vitesse est environ 5,4 fois plus grande que celle d’un rail-gun.
Ces canons sont ultra-secrets d’où l’absence d’articles précis sur eux : seuls les coil-guns sont utilisés dans le programme Guerre des étoiles, et seuls les USA, la Russie et Israël en maîtrisent réellement la technique.
Pour la précision, le coil-gun est plus facile à construire que le rail-gun tant que l’on ne cherche pas à le raccourcir !
Sur un canon très long : il n’y a pas de problème de commutation des bobines car le temps de passage de l’obus d’une bobine à l’autre et beaucoup plus long.
Par contre, quand le canon est raccourci (ce qui est nécessaire pour avoir un canon pratiquement utilisable), la commutation devient extrêmement complexe : d’une part, il faut éviter les effets de décharges inductives d’une bobine sur la suivante et d’autre part, la commutation des bobines les unes après les autres doit s’effectuer à des vitesses phénoménales (afin d’assurer le déclenchement en cascade synchronisé des bobines à la nanoseconde près). Or ce type de canon court pose des problèmes conséquents d’arcs électriques sur les commutateurs ainsi que de décharge par induction entre les bobines.
C’est là tout le problème de ce type de canon et c’est pour cela que seuls trois pays au monde, seulement, maîtrise des prototypes utilisant cette technique.
Aucun coil-gun n’est commercialisé, ni produit en série à ce jour. Par contre, les États-Unis ont 4 prototypes qui fonctionnent : un prototype a été développée par l’armée de terre américaine, les trois autres ont été produits par la marine américaine.
Les coil-guns sont préférentiellement utilisés contre les ogives nucléaires à courte distance : essentiellement dans la phase ascensionnelle du missile si le canon est sur un satellite à la verticale de la base de lancement ou alors dans la phase terminale de l’ogive lorsqu’elle est à quelques milliers de mètres au-dessus de sa cible (il s’agit alors d’une arme de défense terminale).
Pour les tirs sur des ogives ou missiles à longue distance, on utilisera préférentiellement des armes à faisceaux d’énergie dirigées (se propageant à la vitesse de la lumière), soit des missiles guidés car un obus cinétique mettra trop de temps à atteindre sa cible et prendrait le risque de la manquer puisque les ogives nucléaires de nos jours ne suivent plus une trajectoire balistique mais change de direction en permanence.
Les effets éventuels, atouts de ces canons, pèsent lourds sur le rapport de forces des puissances en jeu. Il s’agit là d’un progrès majeur pour les armées. Et les États-Unis en détiennent le monopole incontesté et incontestable.
https://arxiv.org/pdf/1709.05901
https://apps.dtic.mil/docs/citations/ADA521513
Compléments : http://clearlook.unblog.fr/2019/09/15/larme-des-dieux/
Cordialement,